UN SOURIRE EN CETTE FÊTE DE NOTRE-DAME DES DOULEURS !

Le frère Hugues-François Rovarino est directeur général du Pèlerinage du Rosaire. Durement touché par la Covid-19, il livre ici le témoignage de ce que fut pour lui cette année de convalescence : un véritable pèlerinage intérieur. Continuons à prier pour lui, pour toutes les personnes en convalescence, sans oublier les autres victimes de l’épidémie, victimes directes et indirectes. Ce sera une des grandes intentions de prière de notre prochain Pèlerinage.

fr. Lionel Gentric, directeur général délégué.

Le pèlerinage d’une convalescence : une lettre du frère Hugues-François

Chers Amis,

Beaucoup d’entre vous me demandent de mes nouvelles, d’où ces lignes que je suis heureux de vous adresser. L’hospitalisation sévère que j’ai subie est déjà loin derrière moi. Il y eut 5 semaines d’urgence-réa (novembre-décembre 2020), sédations, 10 jours de pneumologie, longue convalescence avec rééducations diverses (musculaire, respiratoire, orthophonique) sur 7 mois, au moins (car il s’y ajoute un peu de neurologie : soucis de concentration, rééducation là aussi). De la Toussaint 2020 à l’Assomption 2021, quel parcours ! Touché par la COVID, je témoignerai seulement de trois réalités qui se sont liées au long des mois et nous unissent dans l’action de grâce.

En mai 2021, le Pape François a appelé à la Prière mondiale du chapelet pour la fin de la Pandémie ; nous y avons pris part, d’autant que cette maladie a frappé parmi nous combien de proches, d’amis, de fidèles serviteurs du Pèlerinage du Rosaire. Certains en sont morts, beaucoup restent marqués durablement ; et pour ma part, je combats les dernières séquelles de cette COVID-19. Tout le monde les connaît : fatigue pesante, soucis pulmonaires, sommeil et somnolence, peine à se concentrer, lenteur à reprendre un rythme jusque-là habituel. Cependant la grande épreuve est derrière moi.

Il reste qu’elle m’aura rendu plus que jamais sensible aux milliers et milliers de mes contemporains, parmi lesquels combien de dizaines d’amis de notre Pèlerinage, de religieux et de religieuses dans le monde, notamment de l ’Ordre des Prêcheurs, dont beaucoup ne partagent pas l’issue heureuse que je connais – y compris dans nos Provinces dominicaines ; mieux que jamais, je suis proche aussi de tous ceux qui s’investissent pour aider, soigner, consoler les souffrants et aussi rassurer ou consoler nos familles ou nos amis.

 

Acceptation et confiance

Comme beaucoup d’entre vous, alors que j’avais eu un test en début novembre 2020, j’ai pu dès le lendemain lire sur le site internet du laboratoire que j’étais positif… Ce fut brutal. Et 20 minutes plus tard, j’étais emmené vers un hôpital bordelais. L’acceptation et la confiance devenaient radicalement le terreau d’une vie nouvelle, dont je ne connaissais pas encore tous les risques pour moi, ni les développements. « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller, en paix selon ta Parole ». C’est radical, mais vrai. Près d’un mois allait s’écouler, avec deux traversées de comas, avant que je commence à renaître, ainsi qu’un autre frère dominicain de mon couvent, lui aussi très gravement malade et désormais guéri. Ma vie reposerait dans le Seigneur, et la prière si fidèle et innombrable de chacun de vous ; m’en remettant avec confiance au personnel de santé.

 

Prière de pèlerin

« Seigneur, celui que tu aimes est malade », masqué, intubé, bénéficiant de mille efforts, de tant de gestes, d’une attention de nuit et de jour, raccordé à tant de machines aux petits bruits réguliers… Comme une immense plainte, une longue intercession a jailli des cœurs. Des chaînes de prière n’ont pas tardé à accompagner ce qui devenait mon pèlerinage inattendu et immobile, entouré de soignants ; celui d’un malade porté par des milliers et milliers de priants du Rosaire. Un innombrable chapelet quotidien accompagnait le travail hospitalier, le personnel de santé. Le sacrement des malades me fut donné. Au-delà de mon cas, chacun priait aussi pour tous ceux que l’on a conduits à Lourdes avec nos Pèlerinages. Et j’y pensais aussi … lors de mes réveils. Chacun priait pour les souffrants et ceux qui les aident. Je n’étais certes pas brillant, capable désormais de rien, dépendant en tout et tout le temps…

Mon couvent ne cessait aussi de suivre ces semaines, comme ma famille de sang et celle de l’Ordre et du « Rosaire ». Je ne sais si vous mesurez la grâce paradoxale que représente de telles périodes, si difficiles et cependant profondément fraternelles ou « familiales »… Vous étiez là, présents ; et le Seigneur aussi. Et je me disais quand je le pouvais : anéanti comme je suis, comment allons-nous faire pour le prochain Pèlerinage ? Le fr. Lionel Gentric a organisé des chaînes de prière, et elles ont rejoint les vôtres aussi pour vos proches et amis malades. Nos Provinciaux ont pu aussi le nommer Directeur Délégué en la fête de l’Immaculé Conception 2020 : nous ne savions comment tout cela allait évoluer… Cependant j’ai vécu alors une des expériences les plus bouleversantes : bénéficier de tant de bonté, de tant d’effort, de tant de prière ! Aussi, j’attends avec impatience de vous revoir et de prier avec vous !

 

La patience et l’espérance

Mais d’abord, la patience et l’espérance allaient devenir mes compagnes. Qui ne sait que la patience est souvent difficile, exaspérante même ! Les habitudes qui ont fui, la mémoire qui fait faux bond, tel réflexe qui a manqué, l’impression de trop de ratés, la fatigue, la lenteur… L’expérience de la patience a exigé de la place, en imposant son rythme. Plus de 7 mois de patience, ce n’est pas beaucoup ; cependant, ça me sembla souvent trop ! Dans ma chair, mes muscles, mes poumons, ma tête, si lents à se refaire, la patience s’est pourtant révélée comme la voie royale pour la fécondité des soins, et pour la guérison. Me relever ! La patience enfantait ma renaissance, mais il lui fallait du temps – et c’est parfois décourageant. Heureusement, l’espérance m’aura secouru, tenace, pouvant aussi me faire rire de riens, alliée pour moi à l’humour, portée par le souffle de Dieu. Sans elle, qu’aurai-je fait ? Il n’est pas si facile de savoir espérer ou de le pouvoir ! Mais j’ai aussi expérimenté cette grâce pour affirmer : « Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants ».    

 

On ne peut tout dire. J’ai ici seulement souligné ces trois éléments d’acceptation et de confiance, de prière et de charité, de patience et d’espérance ; leur souvenir fleurit en action de grâce. Et me conduira vers Lourdes, à nouveau, sous le regard de Notre-Dame, avec vous et pour vous. À sans tarder !

Témoignage du Fr. Hugues-François Rovarino, op – Directeur Général